porte de prison, au portail, les effluves de la fumée de leurs cigarettes dansent dans leurs poumons fatigués. fatigués de devoir respirer un peu plus fort chaque matin, tout ça pour aller écouter des abrutis déblatérer tout la journée. au portail, on se file des joints, se crache à la gueule des mots trop durs. au portail, le long poison de leur mépris s'immisce dans leurs gorges, dans leurs cœurs, comme un ver immonde qui ronge tout sur son passage, l'innocence et les sentiments. au portail, on traine des pieds lorsque l'on rentre, les épaules basses et le dos courbé. et puis on marche un peu plus vite lorsque l'on sort, le cœur qui secoue un peu plus fort et le souffle court de s'être précipité si rapidement hors de la salle puante de cette prof de français. au portail, la pierre les ayant tous vus défiler est salie de leurs mains, de leurs gravures, de leurs dessins. oui, au portail, c'est toute la bêtise de cette jeunesse dorée et trop artificielle qui vous suit et vous colle au dos tout au long d'la journée, le temps d'un corps-à-corps insensé.

entre les murs, dans le hall, les gens se bousculent, et un poison mortel appelé mépris s'y faufile, accompagné des idéaux, des rumeurs et de la vérité, qui elle, se fait plus discrète entre les murs du lycée. on ne se regarde pas et on respire à peine, par honte de partager le même air que certains connards, que certaines salopes. dans le hall, on se pousse, on rase les murs et on tente d'être sourd des murmures. on se fraie un passage jusqu'à son casier toujours trop éloigné, toujours plus abimé. on regarde avec dégoût ceux qui s'embrassent, parce que ce n'est pas nous. tous les clichés réunis, rassemblés, petite réunion de famille. les filles trop maquillées, les mecs trop parfumés ou bien justement pas assez, les nike niquées. les intellos à lunettes qui se font frapper pendant que les autres sont aveugles de coups portés à ces visages pâles, et les insultes qui sont au coude-à-coude avec le ridicule.

quand le temps s'allonge, on n'écoute rien des cours, mate le boule de la prof avant de décréter qu'elle n'est pas ce qu'on pourrait qualifier de baisable. on balance du papier parce qu'on a rien d'autre à foutre, surtout pas travailler. on emmerde la voisine, avec des mots, des gestes très peu discrets. on se retourne pour la trentième fois vers l'horloge, puis on le refait, deux minutes plus tard, en se demandant, merde, pourquoi le temps passe-t-il si lentement pendant les moments chiants ? on sort son portable en se croyant discret, et en fait on s'en fout. on dessine une bite sur la feuille d'à côté et puis on pouffe, se félicitant de cet humour tordant. et puis enfin, ça sonne, nous, on a rien branlé. la prof hurle de ne pas sortir, mais nous, les rebelles qu'on est, on ne l'écoute même pas d'une oreille et on court vers la sortie, en claquant la porte pour tenter de faire beaucoup de bruit. et puis c'est reparti.

scouat, des éclats de rires raisonnent entre les murs du foyer. un peu de bonheur entre les murs gris du lycée, des éclats de voix, ou des mots un peu crus faisant l'effet de coups de couteau dans l'dos, parfois. des élèves qui portent des sourires, quelques fois trop faux, autour d'un baby-foot, d'un jeu de cartes stupide. ça met un peu de chaud dans les cœurs, un peu de bonheur dans l'âme, un bonheur qui ne tardera pas à s'échapper entre les couloirs froids et bondés de pompidou, mais qui est bien là, aussi présent que le chewing-gum à la menthe gratté à un mec quelconque qu'on mâche à répétition.

écrire sur les portes, le repaire des lionnes. retouche maquillage, gratter un mouchoir ou bien un tampon. écrire au rouge à lèvres ou graver du bout de l'ongle un mot d'amour ou une insulte sur la porte des premières chiottes à droite, en faisant six fautes à chaque mot de quatre lettres, sorry not sorry. « dis, j'ai pas une tâche ? », pis mater son boule dans l'miroir juste pour être sûre, vous comprenez. lâcher un « j'suis grosse » pour être rassurée par notre bouche-trou préférée, alors qu'on pèse quatre-cent grammes à tout casser, grâce à l'unique pomme qu'on bouffe chaque midi pour pas froisser sa ligne. « j'voudrais pas prendre du poids, c'est bientôt l'été. » pis lancer une p'tite pique à la fin de la phrase, en disant qu'on voudrait quand même pas ressembler à une telle ou une telle. rire méchant et air innocent, les épines de ces roses-là sont bien cachées. les chiottes, ou le rassemblement journalier des garces qui viennent par millier, sans trop se gêner, et surtout, sans jamais s'excuser. « ma présence est essentielle à la société. sans moi, les mecs auraient plus aucun boule à mater, quelle tristesse. »

chuuuuuut, une rédaction à faire pour le lendemain, une page word aussi vierge que notre petite sœur ce cinq ans. une métaphore, c'est quoi déjà ? c'est pas de dire qu'une voiture est rouge alors qu'elle est bleue ? rien avoir écouté du cours, posséder wikipedia comme unique ami, comme souvent en fait, puisqu'on en n'a pas. les bouquins autour qui nous donnent la nausée, alors qu'on se demande qui en ce monde pourrait lire des daubes comme ça. il n'y a même pas twilight dans ce CDI pourri, c'est pas un monde ça, c'est pas une vie ! la dame du CDI, derrière son bureau, qui nous regarde d'un air sévère alors qu'on analyse dans les détails sa tentative ratée de paraitre jeune de nouveau. c'est bien connu, on fait pas du jeune avec de l'ancien, on appelle juste ça du recyclé ! et puis, comme toujours, tout faire sauf travailler.

voler un dessert, « j'ai la dalle putain ! » « ah c'est dégueulasse, j'vais encore bouffer que du pain putain. » au self, c'est universellement dégueulasse. entre le steak haché à peine cuit qui ressemble plus à une éponge qu'autre chose et les pâtes que ces cons arrivent même à louper, on finit souvent par se payer un kebab ou par finir la journée avec le ventre vide. entre celles qui mangent une pomme chaque midi pour garder la ligne et les dits poubelles (individu dont le poids variera entre quarante et deux-cent kilos qui récupère TOUS les restes - même la brandade de morue.), c'est jamais vraiment calme et propre dans cet endroit, et c'est le délire de personne, excepté celui des dits poubelles (individu, ect. ect. ect.), d'y rester pour une durée de plus de vingt minutes. souvent, ça pue, et puis la bouffe est aussi dégueulasse que le sol. non, le self, ce n'est vraiment pas une partie de plaisir, et encore moins à pompidou.

justificatifs d'absences, à la vie scolaire, ils sont chiants. ils comprennent vite mais il faut leur expliquer longtemps. il faut parler fort et très distinctement, parce qu'il sont tous sourds et muets, c'est bien connu. il faut au moins ça pour accepter de travailler à pompidou. ils n'en manquent jamais une pour te gâcher tes après-midi à coups d'heures de colles tout à fait injustifiées et pour t'harceler pendant des jours, que dis-je ! des semaines, pour que tu finisses par justifier ton absence, celle de l'heure où tu avais séché pour la trentième fois de l'année parce que cette prof de français, tu peux pas te la voir, tu l'as su dès que tu l'as vue à la rentrée. et d'ailleurs, tu l'as pas revue depuis.

les malades imaginaires, vous n'êtes pas d'humeur à écouter le professeur de maths déblatérer pendant des heures sans jamais lancer un regard à la classe aujourd'hui ? venez squatter l'infirmerie ! petite douleur au ventre ou bien gros maux de tête, toutes les excuses sont bonnes, des plus vraies à celles qui sont définitivement inventées. c'est le règlement, l'infirmière ne peut pas vous virer, vous avez mal vous avez mal, c'est pas non plus votre faute ! comme si elle allait vous laisser agoniser puis gésir sur le sol sale tel un vulgaire déchet, tout de même...